Je tourne sur moi-même durant une seconde et fronce les sourcils. Je ne connais pas cet endroit. Au bout de quelques secondes, je m’en fiche. J’entends l’océan, et j’ai envie d’aller le voir de plus près. Si ma mère est une Chevalier avec toute la fortune que ça implique, je ne suis jamais partie en vacances. Je n’ai jamais eu l’occasion d’aller voir l’océan pour le plaisir. La seule fois que je l’ai vu, j’étais dans un avion pour aller à Los Angeles, pour tenter de découvrir qui était mon père. Aujourd’hui, tant de choses ont changé… Alors, je m’avance vers l’océan. Avant d’être contrée par le vent. Vent qui finit par me pousser vers l’océan et vers… Attendez c’est quoi ce bordel. Sofia ? Je fronce les sourcils. Croise les bras. Tente de résister au vent. Mais, ce couillon semble vouloir que j’aille là bas, absolument. Hors de question. Je me tourne vers l’air et attrape mentalement les brises violentes les unes après les autres pour les dévier vers le ciel, pour éloigner la tempête du sol. Je finis couverte de sueur, mais je suis libre. Je m’enfuie loin de l’océan et finit par entrer dans une maison au hasard.

La porte claque dans mon dos et je ferme les yeux durant une seconde. Je reste immobile durant de longues minutes avant de me laisser glisser le long de la porte et de ramener mes jambes contre mon torse. Je ferme les yeux durant une seconde, une minute ou une heure. Et puis je me relève. Je visite le rez de chaussée. J’observe l’endroit. Il n’y a rien de connu, pourtant il y a quelque chose de connu. Cette sensation de solitude, sûrement. Cette impression d’être seule au monde. Je baisse les yeux vers le sol et serre les poings. J’avale lentement ma salive et rejette ma chevelure en arrière. Seule pour l’éternité. Je n’ai personne. Je n’ai jamais eu personne. Je baisse les yeux vers le parquet parfaitement ciré bien qu’un peu poussiéreux et … Je soupire, tristement. Qu’est ce que je fou là, hein ?

Je fuis. Comme je fuis toujours. J’entends encore l’océan m’appeler, et je mets mes mains sur mes oreilles. Tais-toi, tais-toi, tais-toi… Je me précipite dans le couloir, tourne sur moi-même et… voit cet escalier. Je vois cet escalier fait d’air. Je suis l’air. C’est mon pouvoir principal. Celui que j’utilise le plus souvent. Je m’avance et pose le pied sur une des marches. En moins de temps qu’il en faut pour le dire, je suis en haut. J’observe l’endroit. Un couloir, un très très long couloir comme dans certains cauchemars, avec des portes. L’une des portes semble être illuminée de quelque chose, et c’est celle là que je pousse. Mes yeux mettent quelques secondes à s’habituer à la lumière après la pénombre du rez de chaussée et du couloir…

Je passe une porte. Au hasard. Ou peut être parce que… Parce qu’elle brille. J’en sais rien. Je dois avouer que je ne suis pas réellement sûre de ce que je fais ici ni même si c’est la réalité ou un rêve. La nouvelle pièce est étrange. Je croise les bras et observe l’endroit. Ce n’est plus la maison. C’est un océan. Mais pour le coup… Cela ne m’étonne pas plus que ça. Pour être franche, je suis habituée à ce genre de sorts. Un monde dans le monde. Comme l’Institut, en fait. Il y a toujours le lit, l’armoire et la table de chevet. Je soupire et m’avance vers l’eau en ignorant la gamine. Elle me fout mal à l’aise. C’est une gamine sans visage, et je n’aime pas ce genre de chose. Ça ne présage jamais quoi que ce soit bon.

Je ferme les yeux et je décide. Je décide de changer d’endroit. D’aller ailleurs. Dans un endroit qui me plaira plus. Trois secondes plus tard, je rouvre les yeux et observe l’endroit autour de moi. Je suis désormais dans une forêt qui ressemble à celle d’Alice au pays des merveilles. Mon regard se tourne vers le chat qui m’observe, la tête à l’envers et je fronce les sourcils. C’est pas toi que je voulais. C’est le chapelier. Le sourire du chat s’élargis et il disparait pour réapparaitre à quelques mètres de là, dans la forêt. Et, sans savoir pourquoi, je commence à le suivre.

Je suis le chat chester. J’ai toujours adoré le chat chester. J’avance à ses côtés, et je vais même jusqu’à converser avec lui tout en marchant. J’ai l’impression que nous sommes au pays des merveilles maintenant. Je regarde autour de moi durant quelques secondes et je hausse un sourcil amusé et croise les bras. C’est un rêve n’est ce pas ? Les portails dans ce monde sont réellement étranges, et puis surtout ils n’ont rien de semblables à ceux de la réalité. Vraiment rien. Nous arrivons jusqu’au Chapelier, et me prenant pour Alice, je m’installe en face de lui et attends qu’il se retourne. Seban ? Il me tend une tasse de thé. Machinalement je la porte à mes lèvres, et puis je m’arrête. Je m’immobilise durant trois secondes. Et puis, je repose le thé sur la table. Tu n’as jamais aimé le thé. Je plonge mon regard dans celui de Seban, sourcils froncés et me redresse. Tu dis que ça te rappelle trop ta sœur. Je le connais par cœur. J’ai passé toute ma vie à l’observer, à tomber amoureuse de lui. Cette information, j’ai du la lui arracher de force. S’il boit du thé, ce n’est pas normal. Même dans un rêve, Seban ne boit pas de thé. Jamais.

Soudainement, l’ambiance change. Le chapelier change. Lucy avait peur, vraiment peur. Elle ne comprenait pas ces cauchemars. Elle ne comprenait pas ce qu’il se passait, mais en elle, il s’était créé quelque chose. Une sorte de flamme. Une flamme qui la poussait à avancer envers et contre tout. Elle observa le doigt tendu du chapelier. Il lui indiquait de retourner en arrière. Il lui indiquait qu’elle devait faire demi tour. Mais non. Pour elle, c’était ressasser le passé. Revenir sur ses pas et tenter, encore et encore de réécrire les choses. Mais, le passé était écrit et nul ne pouvait le changer. Alors, Lucy observa le chapelier droit dans les yeux et elle le bouscula, lui passant devant pour avancer d’un pas décidé vers les nuages sombres. C’est moi qui doit créer mon propre futur, cria-t-elle sans se retourner. Son choix était fait. Elle ne pouvait plus rester la petite fille qui avait peur, elle ne devait plus rester à regarder en arrière. Avancer. Encaisser. C’était la seule chose à faire.