- Non, Lucy, tu ne peux pas garder une Panthère dans ta chambre à l’Institut.

Mon regard se pose sur ma mère et je reste stoïque. Je ne dis rien. Si je disais quelque chose, toute la rancœur que je peux avoir envers elle ressortirait en cet instant. Mélisandre est d’accord, pour le la petite panthère. Et, bien dressé, je suis certaine qu’il n’attaquera personne. Thibault a bien un tigre volant, et l’autre pétasse qui écartait les cuisses pour tous les mecs, celle qui s’est faite tuer par un démon comme une merde y’a trois mois, elle avait bien une licorne volante. Et, bien dressés, ces trucs-là sont adorables. Mal dressés, par contre, ça peut être la pire des teignes. Enfin. Pour le coup, je reste immobile devant elle, attendant qu’elle ait finit son petit laïus. Je ne l’écoute pas. Pas vraiment. Mon regard est fixé sur elle, mais ses mots glissent le long de mon corps sans même entrer dans mes oreilles. C’est un brouhaha qui m’importune, rien d’autre. Finalement, lorsqu’elle a fini, je me lève et je ramasse ma petite boule de poils qui jouait avec une pelote de laine à mes pieds pour faire demi-tour.

Arrivée à l’entrée de l’Institut, j’utilise une des formules de magie des sorts que je connais pour lui donner l’apparence d’un chaton et cacher les petits arcs électriques qui sortent de ses moustaches. Je traverse Paris en métro avec l’animal sur les genoux pour arriver finalement dans le quartier de la tour Eifel où habite Seban. Je grimpe les cinq étages à pieds, marmonne le sortilège pour lever la modification d’apparence de ma bestiole, et j’entre grâce à ma clef chez l’homme de ma vie. Je pose la petite panthère, à laquelle je n’ai pas encore trouvé de nom, sur le sol avant de me diriger vers le salon où j’entends le son de la télévision. Je m’approche dans le dos de Seban, sans réellement savoir s’il m’a entendue ouvrir la porte ou pas, avant de contourner le canapé et de m’y laisser tomber. Je me love dans les bras de l’homme de ma vie après l’avoir embrassé, et je me contente de regarder la télévision devant moi, attendant que la panthère fasse son apparition dans le champ de vision de Seban. Parce que, je sais qu’elle ne va pas tarder. Elle ne reste jamais loin de moi.

Blottie dans les bras de l’homme de ma vie, je pourrais me mettre à ronronner si je savais comment faire. J’aime juste être là et fermer les yeux, attendre tout simplement que le monde s’arrête de tourner. Car, c’est le cas n’est ce pas ? Ou alors, en fait, il accélère, ça expliquerait pourquoi j’ai l’impression que les moments que je passe avec Seban sont si courts. Un « poc » me tire un sourire, mais je ne bouge pas. Non, j’attends de voir ce que Seban va dire. Asphalt s’approche de moi et s’allonge sur le dossier du canapé, non loin de moi. La question de Seban me fait sourire et je hausse les oreilles :

- J’ai été faire un tour chez Mirisa. Elle avait cette adorable petite boule de poils dans une cage, et j’ai dépensé une somme astronomique avec la carte bleue de ma mère pour l’avoir. Ça fait deux mois que je la cache dans ma chambre avec Mélisandre. Elle est chou non ?

Je m’éloigne des bras de Seban pour attraper la boule de poils et la poser sur mes genoux, avant de me rallonger à moitié dans les bras de Seban. Asphalt s’étire et se roule en boule sur mes genoux avant de décider que ce n’est pas assez et se redresse pour poser une patte de chaque côté de mon visage et me léchouiller. Ses moustaches me chatouillent et je sursaute en sentant un peu d’électricité me traverser. J’attrape la boule de poils pour la jeter sur le canapé en riant et relève mon visage vers Seban :

- Dis, on la garde ici ?

Allez, le regard de chat potté, c’est parti. Il pourra pas dire non. Il pourra pas ME dire non. C’est impossible.

- S’il te plait ? Mon cœur ? allez ? Je peux pas la rendre à Mirisa… La pauvre, dans une cage elle serait malheureuse …

oui ? Mon regard lâche la boule de poils qui s’amuse et se tourne vers l’homme de ma vie. Mon cœur manque un battement alors que mes yeux gris-argent se glissent dans les siens, si noirs qu’on dirait un puits sans fond. Bon sang, je pourrais totalement me perdre là dedans. Totalement. Je pourrais simplement laisser mon regard glisser dans le sien jusqu’à la fin des temps. Je prends une grande inspiration et penche la tête sur le côté. J’attends la réponse. J’attends, mais rien ne vient. Juste une question. Je hausse un sourcil et laisse la minuscule boule de poils sauter du canapé pour aller jouer avec une boule de papier qui traine à côté de la corbeille à papier. N’est-elle pas adorable ? Si, évidemment. C’est mon bébé à moi. Pas de nom, pour le moment non. Je l’appelle « truc » quand elle m’ennuie. Je me redresse sur mes genoux et passe une jambe au dessus de Seban pour m’installer face à lui, sur ses jambes. Je passe mes bras autour de son cou et fronce les sourcils. Je vous connais, monsieur Tremblay. Qu’est ce qu’il vous passe par la tête ?

Je l’ai toujours, vous savez. Cette peur qu’il me largue. Cette impression qu’il va trouver mieux ailleurs. Cette question étrange qui flotte entre nous. Je suis heureuse avec lui. Il n’y a jamais eu que lui dans mon cœur. Cependant, je ne suis pas sûre de ses sentiments à lui. Je ne le serais jamais. Il est tellement… On vient de mondes tellement différents. C’est un prince. Il a du sang royal. Il sera amené à régner sur les feys, un jour… Le jour où il ouvrira les yeux et verra qu’il n’y a personne d’autre pour unir les cours. Il n’y a personne qui pourra prendre à bras le corps ces problèmes. Mais, il refuse d’ouvrir les yeux. Il est au moins aussi borné que moi. Dis moi tout ?

Oui, truc. C’est un joli nom, Truc. Vous voulez que je l’appelle comment ? Chatastrophe peut être ? Ce serait certes approprié vu qu’elle a bouffé les culottes de Mélicendre et réussi à électrocuter Alyona qui était venue avec des croquettes. Pauvre Aly, elle a eu les cheveux dressés au-dessus de sa tête durant des heures. Je pense même des jours, si elle ne les avait pas attachés. Mais, je ne saurais jamais le fin mot de cette histoire. Je trouverais un nom… Un jour. Peut être. Pour l’heure, truc c’est pas mal. J’aurais qu’à lui trouver un nom le jour où je serais sûre que je vais la garder. Parce que pour l’heure, il n’y a pas réellement de chose qui me prouve qu’elle va avoir une maison. Seban n’a pas dit oui, il se moque juste de moi.

Je ne te prendrais jamais pour un papy radoteur tant que tu me dis ce genre de choses. Parce que j’aime les entendre. Encore et encore et encore. C’est vrai ça. Ce n’est pas souvent qu’il baisse les masques pour m’ouvrir son cœur. Si j’ai juste à aller voir dans sa tête pour être sûre qu’il m’aime, autant dire que je ne suis pas mécontente de l’entendre poser des mots là-dessus. Ca ne fait jamais de mal. Jamais.

Par contre, quand il me parle de donner un vrai nom à Truc, je fais la moue et laisse ma tête se poser contre son épaule. Sparkle c’est sympa, mais je ne suis pas sûre que ça lui ira. Elle a plus une tête a avoir un nom qui tourne comme un surnom. Un truc tellement chou et mimi que personne ne pourra rester devant elle sans fondre. Je réfléchis environs deux secondes avant de finalement décider d’un nom. Mouka. Un mot, un seul. Je relève la tête et relâche Seban pour sauter sur mes pieds. J’attrape la boule de poils qui s’apprêtait à faire pipi sur un tapis valant certainement une petite fortune et je la porte jusqu’à mes yeux. Qu’est ce que j’avais dit à propos des tapis, hein ?

Seban commence à parler de tout un tas de possibilités qui m’amusent et je hausse les épaules. Je lui ai déjà appris à contrôler ses étincelles. Elle n’a jamais fait flamber quoi que ce soit en deux mois. Et, si je continue à lui apprendre les choses comme il faut, elle ne le fera pas. Bon, maintenant… Où est ce qu’on met la litière ? Parce que cette petite chose va me faire dessus si on ne lui en installe pas une tout de suite, et j’ai ce qu’il faut dans mon sac à dos.

Je laisse donc Seban aller chercher la litière et préparer tout ça. Mais, je n’ai pas le temps d’apporter Mouka jusqu’à la litière que la demoiselle commence à me faire pipi dessus. Je suis à deux doigts de la lâcher, mais je me contente de l’éloigner de moi, la tenir à bout de bras et la laisser finir de faire pipi sur le sol, éclaboussant mes converses, le bas de mon pantalon et le tapis… Oh làlà, Seban va me tuer…

Ou pas.

Le voilà qui attrape la bestiole et la gronde gentiment avant de la poser dans sa litière. J’ouvre la bouche, la referme et finit par soupirer tristement. En effet. Je vais prendre une douche. Tu me prête une chemise ? Je n’attends pas sa réponse et me dépêche d’aller vers la salle de bain où je retire mes vêtements, qui finissent dans la machine à laver dont je lance un cycle court. Mes chaussures y sont aussi, même si ça me fait un peu chier. Je les avais peintes moi-même et je n’avais pas réellement envie de les laver, au risque de faire partir la peinture. Mais, ce n’est pas dramatique non plus. Ce sont des choses qui arrivent, et je pourrais parfaitement en refaire d’autres.

Sous l’eau chaude, je me sens rapidement mieux et ressors en sentant le gel douche masculin pour m’enrouler dans une serviette. Je rejoins Seban dans le salon et enfile la chemise qu’il m’a sortie, avant de m’installer sur le canapé. Du coup, tu m’avais prévu quoi pour ce soir ? Mis à part récupérer une adorable petite panthère trop mimi ? Mes cheveux sont encore mouillés, et je récupère la serviette pour les essorer un peu mieux. Dis, tu me fais un ragout pour le dîner ? Ha, le fameux ragout de Seban... J'en mangerais encore et encore...