C’est étrange, vous savez. Étrange de voir une fey me convoquer pour me parler d’héritage et de personne que je ne connaissais pas. Pourtant, me voilà assise devant elle, mes blessures encore fraiches me font souffrir. J’ai été blessée en me battant contre un démon majeur, et j’ai bien de la chance de m’en être sortie. Mon épaule déchiquetée ne sera pas utilisable avant deux mois, au moins. Dans tout le blabla de la vieille fey, j’ai entendu tout un tas de choses, contradictoires parfois, et je me suis retrouvée avec tout un tas de vieux papiers sur la légende du Graal et sur l’histoire du roi Arthur. La vraie histoire, pas celle qu’on vous raconte dans les livres pour humains.

Finalement, après une journée à fouiller dans tout ça, j’ai réalisé que j’avais devant moi quelque chose de bien plus étrange que prévu. Une carte qui montre l’entrée des cavernes dans lesquelles serait cachée Excalibur. Mais aussi une carte des dites cavernes avec le moyen d’éviter les… Attendez, c’est quoi ce mot ? Je ne suis pas très douée en vieil anglais.

Quoi qu’il en soit, après avoir hésité toute la nuit, c’est avec des cernes sous les yeux que je vais prendre une longue douche et que je quitte mon appartement dans le centre de Paris pour me téléporter, une fois vêtue d’un vieux jean, d’un débardeur et d’un gilet gris qui cache un peu mon bandage devant le bureau de Nikita chez les Chasseurs. Étrangement, il ne m’a toujours pas coupé la téléportation, même si je suis déjà venue l’embêter une fois ou deux de cette manière. Après quelques minutes d’hésitations supplémentaires, je frappe trois coups à la porte.

Mais comment il peut savoir que c’est moi, hein ? Je n’ai rien dit. J’ai juste frappé. Fichu cabot. J’ouvre la porte, entre et la referme dans mon dos. Je m’avance dans la pièce et ma résolution fond un peu plus à chaque pas que je fais. Il va me tuer cette fois. Je ne peux pas continuer de rester dans les parages et m’en sortir à chaque fois quand même. Ce n’est pas possible. Enfin, je dois faire semblant. C’est facile de faire semblant. Il me suffit de relever le menton et d’observer l’homme qui se trouve derrière son bureau.

- J’ai un cadeau pour toi. Un sourire arrogant grimpe sur mes lèvres et je hausse un sourcil avant de m’installer sur une chaise en face de Nikita. Vu sa tête, je crois qu’il est soit surpris, soit qu’il attend que je sorte une tarentule empoisonnée de mon sac. Je lui jette un regard désespéré avant de poursuivre : Je n’ai pas l’intention de te tuer… Je veux t’emmener dans une chasse au trésor.

Je fouille dans mon sac et sors les papiers que j’ai emportés, ceux qui parlent d’Excalibur. Je m’adosse à ma chaise et lui laisse quelques secondes qui me paraissent des heures pour parcourir les papiers avant de reprendre la parole : Je sais très bien que je ne suis pas le genre de personne qui pourra prendre Excalibur de son rocher… Enfin, si elle est toujours dans un rocher. Qu’est ce que j’en sais moi. Mais, toi… Tu m’as l’air avoir les qualités requises. C’est ça, mon cadeau. Une tentative d’obtenir Excalibur. Par contre, je n’ai aucune idée du danger qui nous attends.

Installée en face de lui, je l’observe alors qu’il commence à trier les papiers que je lui ais donnés. La surprise qui monte sur ses traits me rassure un peu : ce n’est pas aujourd’hui que je vais mourir. Parfait, je vais donc pouvoir me montrer aussi insolente que possible. D’autant que j’ai d’autres informations qui sont dans un coffre fermé avec plusieurs sortilèges de protection chez moi, et disponibles uniquement dans ma tête en plus de tout ça. Comme la seconde carte, celle qui montre le trajet exact à suivre pour éviter les pièges. La question de Nikita me fait cependant relever les yeux et je hausse les épaules tout en y répondant : Je n’en sais rien. Un sourire narquois et puis je continue On m’a convoquée chez le notaire des fey il y a deux semaines pour me donner ça. Mais, il y a eu d’autres choses à gérer dans les catacombes, comme l’attaque des démons sur le territoire des fées, et je n’ai pas eu le temps de les regarder en détails avant-hier. Ma main se pose sur mon épaule. On voit les bandages apparaitre sous mon débardeur et je tire une grimace. Mirisa n’était disponible pour me laisser accéder à la source les deux fois où j’y suis allée, et gare à celui qui tentera de lui en voler une goutte. L’île est peuplée de créatures plus qu’effrayantes, et les sortilèges sont encore pires. Du coup, j’ai rebroussé chemin sans tenter quoi que ce soit à chaque fois. Les guérisseurs ont fait ce qu’ils ont pu, mais il faut parfois laisser le temps faire son office, tout simplement. Surtout quand c’est un chien des enfers dont la gueule est pleine de microbes et autres maladies maléfiques qui vous mord.

Nikita semble avoir compris ce que j’avais en tête mais il me propose tout de même de m’encombrer de ses chasseurs pour aller nous balader. Je croise les bras et l’observe quelques secondes, sceptique, avant de hausser un sourcil Pour qu’au premier danger tu me prennes les cartes et parte avec ton équipe en me laissant me démerder ? Certainement pas. Je sais parfaitement que tu n’as pas abandonné toute idée de me tuer, Niki. Je sais parfaitement que je joue avec le feu en venant te voir toi, et qu’un jour tu en auras marre de mes sarcasmes, ou marre de me voir essayer de me racheter aussi maladroitement que lors de nos disputes à l’époque. J’ai merdé et personne ne pourra revenir là-dessus. Tu veux me tuer, et je n’essaierais pas de te faire changer d’avis, parce que je sais que je le mérite mais… Ma voix se brise et je décroise mes bras. Je baisse les yeux et tire un instant sur le fil qui dépasse d’une couture de mon pantalon avant de reprendre. Quelque part, j’ai envie que tu me tue parce que ça mettrait fin à tous ces regrets, et que j’arrêterais d’être attirée par toi comme par un aimant. Ma voix est un véritable souffle. Je redresse les yeux et plante mon regard couleur d’or dans celui du loup en face de moi. Je joue avec le feu. Je viens presque de lui avouer que j’étais encore amoureuse de lui. Est-ce aujourd’hui que je meurs, Nikita ?

La question le surprend un peu, je peux le voir. Je peux le sentir. Je me redresse sur ma chaise. Mon regard ne quitte pas le sien alors que je parle une dernière fois avant de le laisser répondre : Peu m’importe la réponse, au fond. Je ne veux pas qu’il y ait tes chasseurs avec nous. Ils me ralentiraient, même avec cette blessure. Je connais les dangers et le chemin exact pour les éviter. Si rien n’a changé par rapport aux autres cartes, nous n’avons de toute façon besoin de personne pour arriver jusqu’au bout.

De la provocation. Ce n’est rien d’autre. Si… quelque part il y a ces sentiments que je n’arrive pas à étouffer peu importe combien j’essaie, ce besoin que j’ai de me mettre sur son chemin même si c’est mauvais pour moi. Je risque ma tête, et au sens propre, à me mettre dans ses pattes de loup à longueur de temps. Quand à cette question qui sort de mes lèvres sans que je n’ai réussi à la retenir… Mon cœur bat dans ma poitrine comme s’il s’agissait du minuteur qui compte les secondes qu’il me reste. Le manque d’émotion dans sa voix me fait fermer les yeux, et je retiens un fou rire nerveux. Parfait. Alors on peut y aller. Enfin, si je ne garantis pas la récupération de l’épée, ça change quelque chose ? La revoilà, ma verve naturelle. Mon sourire de façade se plaque tout seule sur mon visage, et je lui tirerais la langue si j’osais. Après tout, il a dit qu’il ne me tuerait pas. Il n’a rien dit à propose des amputations et autres lacérations.

Je saute sur mes pieds et hausse un sourcil quand il me parle d’équipement. Je baisse les yeux vers ma tenue sportive, certes, mais pas vraiment appropriée. Un jour je postulerais chez vous juste pour avoir accès à l’équipement et éviter de me faire bouffer par tous les trucs qui passent. Je lui tends ensuite la main :C’est à quel étage ? Je t’emmène ? Tant que je peux m’amuser dans les locaux… Quoique, s’ils font appel à Constantine pour modifier les sorts, je suis certaine qu’il y a moyen de s’arranger pour qu’il les module pour me laisser passer. La nouvelle exorciste par contre, pas certain. Elle a l’air bien plus attachée à ce qu’il convient ou pas de faire. Constantine est de la même trempe que moi : un incorrigible emmerdeur professionnel. Si je lui présente la chose correctement… Et propose de bosser pour lui pendant quelques temps histoire de l’aider à chercher son démon, ça devrait passer. J’vous piquerais bien une combi juste pour aujourd’hui d’ailleurs. Tu m’autorise. J’en ai marre de devoir des services à Mirisa. La dernière fois elle m’a fait fouiller la moitié de l’Amazonie – alors qu’il y a des émanations toxiques là-bas suite à l’attaque des démons de 2012 – pour lui trouver le squelette d’une race de serpent dont elle voulait recréer la race avec des manipulations génétiques. J’y ai passé deux mois… Ce que je ne précise pas c’est que cette demande a suivi le propre séjour de Nikita chez la fey. J’ai payé cher cette fois-là. J’ai dépensé une fortune en bombonnes d’oxygènes. Le mec de Go Sport a cru que j’allais faire des trucs bizarres avec et a menacé de me dénoncer à la police. Un gros soupir et puis je passe ma main dans mes cheveux blonds En rentrant à Paris, les autres Valkiries avaient débarqué et fait de moi leur dirigeante Non, je ne dirais pas reine.Pire trimestre de toute mon existence. Plus jamais je t’emmène chez Mirisa. Le prix à payer était trop gros, même pour moi.Je suis sûre que c'est elle qui a soufflé à Svéa cette règle à propos de la matriarche Valikire qui doit être la plus vieille du clan. Comme si je ne me sentais pas assez vieille comme ça, de base. Maintenant, il faut qu'on me le rappelle dès que je fous le nez en dehors e mon appartement.

L’ascenseur ? Oh, dommage. Je n’aime pas marcher, moi. C’est vraiment un truc que je ne comprends pas. Surtout, depuis que je suis capable de me téléporter. C’est tellement plus pratique. On inspire, on pense à l’endroit où on veut aller, et hop : on y est au moment d’expirer. C’est tout bon. Tellement mieux que de marcher. Mais, pour le coup, je ne dis rien. Je ne suis pas chez moi, et je n’ai même pas le droit d’être là en fait. Je suis censée être une ennemie des Chasseurs, d’une part en tant que Light-Fey, d’autre part en tant qu’ex petite amie de Nikita qui a accessoirement tenté de le tuer. Oui, accessoirement. C’est pas forcément le plus important dans notre vie à tous les deux. La preuve : il est encore là !

Enfin, après un petit séjour dans l’ascenseur – je vous ai dit que je n’aimais pas ces machines ? Et si la corde lâchait ? Enfin, quand je lève les yeux pour observer le plafond et au travers de la paroi transparente, je réalise qu’il n’y a pas de corde. Mais, elle fonctionne comment cette cabine ? Par magie ? Après tout, vu la concentration de personnes capables de magie ici, ce ne serait pas super surprenant. Enfin, le trajet n’est pas long et je fais un grand sourire innocent à la personne que je croise en sortant de la cabine. Celui-ci m’ignore. Je fais ensuite semblant de regarder ailleurs pendant que Nikita tape le code pour entrer dans l’armurerie et je laisse un sifflement sortir de mes lèvres en voyant l’endroit. Je veux la même pour Noël. Sérieux, c’est la caverne d’Ali Baba ici ! Des armes et de l’équipement partout ! Mirisa doit se faire des couilles en or avec vous. Après tout, il n’y a que peu d’autres sources pour récupérer des armes magiques. Et les marchands d’armes aussi. A moins que vous n’envoyiez vos nouvelles recrues piquer à l’armée ?

Quelques minutes plus tard, me voilà en culotte – noire et en dentelle. Quoi ? J’aime bien me sentir sexy. Et le fait que Nikita puisse me voir là-dedans n’est en rien entré dans mon choix ce matin… Enfin, presque pas. Juste un petit peu - en train d’enfiler une tunique de cuir noir. J’ajuste ensuite à ma taille une ceinture où je dépose un pistolet paralysant. Je n’aime pas les armes à feu et préfère largement les couteaux. Je glisse une dague dans l’intérieur de chacune de mes bottes, puis j’ajoute quatre couteaux de lancer sur ma cuisse droite. Je récupère un Katar que j’installe sur mon avant-bras gauche, rentrant la lame dans son mécanisme au passage pour ne pas être gênée, et pour finir, j’emprunte une épée courte que je m’attache dans le dos. Promis, je te rendrais tout ça plus tard. Enfin, si tu veux, pour une soirée plus… récréative, je peux garder la tenue. Elle me va bien non ? Je tourne sur moi-même pour lui permettre d’admirer mes formes, moulées dans le cuir. C’est quand même intéressant que tu n’aies même pas hésité avant de me donner cette tenue-là. Moi, je dis ça… Je ne dis rien. Un simple sourire amusé sur mes lèvres, je sors de l’armurerie et tends la main à Nikita.

Une seconde plus tard, nous sommes à la limite de l’endroit où mes pouvoirs de téléportations vont fonctionner. Ayant appris la carte par cœur, je me dirige vers les arbres sans m’occuper de Nikita. Notre première épreuve est l’entrée dans le dôme. Avant de traverser la forêt, il faut y entrer. C’est la première épreuve. Il faut résoudre l’énigme. Le dôme est parfait, il ne laisse ni entrer ni sortir, sauf si on trouve l’astuce. Pour étayer mes propos, je me baisse, ramasse un cailloux et le lance de toutes mes forces face au mur invisible. Le caillou reste immobile dans l’air. Sur le parchemin, il était noté qu’il faut s’aider des cailloux… J’en ramasse un second et le lance à quelques mètres. Il pénètre dans le champ de force et s’immobilise trois mètres à l’intérieur du bouclier.

Après avoir traversé tant bien que mal le labyrinthe, nous voilà devant la seconde épreuve, et pas des moindres. Traverser un précipice sans fond simplement sur la foi d’une flèche. Ce sera sans moi. Je ne suis pas capable de voler, et me téléporter de l’autre côté n’est pas une option, comme mes pouvoirs semblent être bien amoindris ici. Je pourrais y arriver seule, mais il serait impossible d’emmener le petit loup avec moi. Et, je ne suis pas tout à fait certaine que ce soit une bonne idée de continuer seule. Je l’ai après tout emmené parce que je sais parfaitement qu’avec mon passé de tueuse sanguinaire et sans regard en arrière, jamais une arme comme Excalibur ne pourra me revenir. Ça non. Pourquoi lui d’ailleurs ? J’aurais très bien pu choisir n’importe qui d’autres, ça aurait été la même chose. Quelqu’un au cœur pur. Mais non. J’en reviens encore et toujours à Nikita. Je tourne toujours autour de lui. Je me fais penser à un chaton qui aime embêter le chien. Oui, c’est exactement ça.

Quoi qu’il en soit, j’observe le sable que l’homme lance sur le vide devant nous et je me mordille la lèvre inférieure. C’est tout à fait étrange, mais j’ai l’impression qu’il s’immobilise en l’air quelques secondes, comme s’il s’agissait de planches, assez écartées les unes des autres, mais que le sable est poussé par un vent constant vers le sol. Je fronce les sourcils et décide de m’avancer sur le pont. Après tout, si je commence à tomber, je pourrais me téléporter en haut. Théoriquement.

Un pas. Un second. Je suis au bord du vide. Mon regard se pose sur Nikita, et une seconde durant j’ai envie de hurler. De lui hurler que je l’aime encore et que je n’ai jamais réussi à me pardonner ce jour où j’ai tout foiré entre nous. Mais, non, je ne dis rien de tout ça. Je me contente de l’observer, de croiser son regard et de prendre une grande inspiration avant de me détourner de lui. Et, je ferme les yeux. Fais un pas en avant. M’immobilise. Ouvre un œil. L’autre. J’suis encore vivante. Il ne reste plus qu’à finir le trajet. Un autre pas. Un troisième. Les planches invisibles grincent sous mes pas. Et puis, je suis de l’autre côté. Et, face à une nouvelle épreuve à laquelle je saurais triompher. Celle là, elle était indiquée sur la carte : trois chemins qui partent dans trois directions différentes. Il faut partir au milieu. J’attends Nikita et sans oser le regarder cette fois, je m’avance vers le centre. Surtout, quoi que te disent les spectres, ne sors pas du chemin.

Entendre mon ex râler me tire un simple rictus, mais je suis concentrée à finir ce chemin invisible avant d’entrer rapidement sur la voie du centre. Je sais à quoi m’attendre, mais je ne pensais pas que ce serait aussi difficile. Une centaine de pas ont suffi pour que les premières ombres apparaissent sur le bord du chemin. Des femmes de mon passé. Des Valkiries qui sont capables de tout, froides et sanguinaires devant lesquelles je suis passée dans un regard. Leurs murmures n’ont pas eu le moindre impact sur moi. Certaines des ombres ne m’étaient pas destinées, et elles n’avaient le visage que d’inconnus à mes yeux. Et puis, elle est arrivée, cette ombre que j’appréhendais. Svéa. Mon regard s’est fixé dans le sien. Oh, ses cheveux blonds volaient autour de son visage. Et, cette enfant dont elle a accouché dans mon salon, cette petite fille morte à quinze ans. Elles se tenaient par la main et m’observaient, sans un mot, sans qu’aucune expression ne monte sur leurs visages.

Pourtant, en les voyants, je me suis immobilisée. Mon regard s’est fixé sur elles. Elles que je n’ai pas pu sauver. Deux échecs. Oh, j’aurais tellement aimé pouvoir sauver Svéa. J’aurais tellement aimé que sa fille vive. Mais non. L’une comme l’autre sont mortes dans mes bras. Figée, des larmes coulant le long de mes joues, je ne suis plus capable d’avancer. Je suis désolée. Ma voix est un véritable murmure. Je tends une main et j’avance vers elles. Je sais parfaitement que si je quitte le chemin, je ne pourrais pas le retrouver. Jamais. Même un pas en dehors suffit. Mais, je dois… Je dois être sûre qu’elles me pardonnent. L’une comme l’autre. Alors, j’avance. Je suis désolée. Elle a été une épine dans mon pied. Mais sa fille a été un tel bonheur. Elle a été tellement une source de bonheur. Les rares souvenirs heureux de mes quatre cent ans d'existence ont été avec elle. Ou, avec Nikita. Auprès de lui, je dois m'excuser aussi.

La voix de Nikita à mes côtés me parvient au travers d’un brouillard monumental et je sens son bras sur le mien. Mais, cela ne m’arrête pas. Je fais un pas de plus, avec difficultés, au moment où Nikita resserre ses bras sur les miens. Je sens la pression mais je n’arrive pas à m’arracher à la vision de Svéa et de sa fille. Ma fille. Je ne pensais pas jusqu’à présent avoir des remords aussi importants sur cette part de mon histoire. Je savais, à l’époque, que je ne pouvais rien faire. Je ne connaissais pas Mirisa. Je ne savais rien de son eau miraculeuse. Je n’étais qu’une valkyrie en exil, tentant de survivre et de joindre les deux bouts. Et, aujourd’hui je suis une matriarche de clan à mon grand regret, et je sais que je ne pourrais pas toutes les sauver. C’est la leçon que ma vie m’a apprise. Et au fond de moi, ça me tue. Tu me fais mal, Niki. Ma voix est faible. Mes larmes continuent de couler, mais au lieu de montrer mon visage défait, j’ai repris mon expression habituelle. La douleur m’a fait reprendre mes esprits. Ou peut être est-ce cette dure réalité que celle d’une cheffe de clan ? Je n’en sais rien. Je ne sais plus grand-chose. Je me dégage des bras de Nikita et me bouche les oreilles avec mes mains pour continuer sur le chemin, d’un pas vif. Les supplications de mes fantômes me parviennent déformées et je réussis à arriver au bout. Là, je m’immobilise devant l’entrée de la caverne qui est notre dernière étape et je me tourne vers Nikita. Les larmes coulent toujours le long de mes joues, et je n’arrive pas à les arrêter. Ma vie est un enchevêtrement de malheurs et de misère et je ne comprends pas pourquoi je suis encore en vie malgré toutes ces erreurs que j’ai pu faire. Quand tout cela sera terminé, je partirais. Je laisserais les rênes de la tribu à quelqu’un d’autre et j’irais me cacher chez Mirisa, quitte à lui faire le ménage jusqu’à la fin de ma vie. Ce sera mieux pour tout le monde. C’est la dernière étape. Retirer l’épée du rocher. Visage fermé mais rougit, je fais demi-tour et je m’avance vers l’entrée de la caverne. Après quelques pas à l’intérieur, je lève les yeux vers l’œil qui se trouve au centre de la pièce et l’inonde de soleil. Je me mordille la lèvre inférieure et soupire tristement. Voilà, c’est fini. Nikita n’a qu’à prendre l’épée du rocher et nous serons séparés. A jamais. Après toi.